lundi 11 mars 2019

Billets-Témoignage : l’Aéroport de Paris m’a dégoûté de la France !


Témoignage : l’Aéroport de Paris m’a dégoûté de la France !

L’hallucinant récit d’Andrea, Chilienne de 30 ans repartant depuis l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, en dit long sur le mal français et les dégâts qu’il cause à son image dans le monde.

Venue passer les fêtes de fin d’année à Paris chez un couple d’amis français rencontrés au Chili, j’ai été enchantée par cette ville. Le jour du départ, mon ami m’a raccompagné à l’aéroport. Heureusement qu’il était à mes côtés, sinon, je n’aurais jamais réussi à prendre mon avion de retour.

À l’aéroport de Santiago, tout est fait pour faciliter la vie des gens. Ici, c’est le contraire. C’est aux voyageurs de faciliter la vie de l’administration.

Mon ami était tout autant choqué que moi par l’image que cet aéroport de fous donnait de la France. Et dire que c’est la dernière chose que les touristes verront de Paris ! Quel gâchis !
Parcours du combattant
Avant d’atteindre la zone d’enregistrement, nous sommes passés par un véritable parcours du combattant.

D’abord, pour rejoindre Roissy, nous avons emprunté un train de banlieue. Alors que nous discutions en chemin, un couple d’Australiens nous a demandé à quelle station ils devaient descendre. En effet, il n’y a pas une mais deux stations nommées Aéroport. « Ch. De Gaulle 1 » et « Ch. De Gaulle 2 ». Mais l’avion des Australiens partait du Terminal 3. Donc, à quelle station devaient-ils sortir ? Après avoir regardé le plan de près, mon ami leur indiqua la sortie 1. Sans lui, nos nouveaux amis de Sydney auraient probablement raté leur vol !

Une fois descendue, nous cherchons l’escalator pour sortir du quai. En panne. Nous nous retrouvons à monter avec nos bagages à bout de bras. Il y avait bien un autre escalator, à l’autre bout, mais rien ni personne pour nous l’indiquer.


Devant l’escalator (en panne), des piquets d’aluminium empêchent de passer facilement sa valise. C’est la première fois que je vois ça et je me demande bien à quoi cela peut servir ! Même mon ami s’interrogeait.


En haut des marches, essoufflés, nous sommes accueillis par des agents. Je crois d’abord qu’il sont là pour nous orienter et nous aider. Mais j’oubliais que nous étions en France : ils étaient venus contrôler nos billets ! Une queue se forme, car les touristes devant nous n’ont pas compris que les tickets « normaux » de métro ou de bus ne fonctionnent pas ici. « Nous sommes sortis de Paris, c’est plus cher », m’explique mon ami. Lui m’a acheté un billet spécial à 10€ à destination de l’aéroport. Mais cela, qui le sait ? Même dans mon guide de voyage, ce n’est pas précisé.


Pire : les agents ne savaient même pas expliquer en anglais pourquoi ils empêchaient les touristes de passer. Ils répétaient « cinquante yuroz » « cinquante yuroz » en gesticulant. 50€, c’est le prix de l’amende, par personne, que les trois-quarts des touristes devant moi ont dû payer pour pouvoir prendre leur avion. Certains pleuraient, car ils n’avaient plus d’argent. D’autres criaient sur les agents, qui menaçaient en criant « I call Police, I call Police ! ». C’était terrible. Si mon ami n’avait pas acheté ce billet spécial pour moi, j’aurais été dans la même situation qu’eux.

Mais même si nous avons le bon « sauf conduit », nous n’étions pas encore sortis de la gare RER. Il nous restait à passer les portiques de sécurité. Ils étaient de la largeur d’une petite valise. Les miennes ne passaient que de côté. Évidemment, les agents étaient trop occupés à extorquer cinquante yuroz aux touristes et les invectiver pour nous aider. Mon ami est donc passé avant moi et nous nous sommes synchronisés pour qu’il m’aide à sortir la valise avant que les portes ne se referment sur mon sac à dos avec violence.

J’ai dû me contorsionner pour m’en extirper et faire passer mon sac par-dessus le portique. Pendant que je remettais mes bagages en ordre, un agent de contrôle, qui avait assisté à toute la scène sans broncher, s’est moqué de nous, disant, en Français, qu’il y avait un grand portique, plus loin, sur la droite, derrière un pilier. Merci de nous l’avoir si bien caché !
La maison des fous
Une fois dans l’aéroport, nous rejoignons le terminal E2. C’est une immense structure, une des plus grandes d’Europe, avec une vingtaine de longs comptoirs d’enregistrement. À l’entrée de chacun, une rangée de machines devant lesquelles les gens font la queue. Des petites queues qui se mélangent à d’autres grandes queues. Personne ne sait où ça commence et où ça finit. Les gens tentent de dégager leurs énormes caddie à bagages, des enfants crient, et, pour gérer cet afflux incontrôlable de voyageurs, une seule femme, en petit uniforme chic et apparemment d’origine espagnole. Nous choisissons une queue au hasard.

Au Chili, le système est simple : il n’y a qu’un seul comptoir d’enregistrement, avec une cinquantaine de bureaux en enfilade. Des agents vous orientent vers la queue unique, ou vers une queue express pour les familles avec des bébés ou les handicapés.

On attend 10 minutes environ pour accéder à une hôtesse qui enregistre les bagages et vous indique votre porte d’embarquement. On peut lui demander de modifier son siège, d’ajouter un équipement spécial, et, si le poids de la valise dépasse les 23kg réglementaires, on peut toujours négocier. À la fin, quelqu’un vous indique le chemin vers l’ascenseur. On est totalement pris en main, on voyage l’esprit (presque) tranquille.

À Paris, c’est le « démerdez-vous ! ». Personne pour m’indiquer ce que je dois faire, où je dois aller. Des queues dans tous les sens, pleines de gens stressés. Chacun a un long ticket vert à la main, du genre de ceux que l’agent colle sur la valise avant qu’elle ne parte en soute. Je comprends (après avoir perdu 5 minutes de queue) que je dois retirer moi-même cet autocollant aux bornes automatiques. Je scanne mon passeport dans la borne et obtient mon document en quelques clics. C’est si simple… une fois qu’on a compris !


Après avoir (re)fait la queue pour atteindre les bornes, il faut la re-refaire pour enregistrer les bagages. Huit minutes plus tard – après m’être faite doubler deux ou trois fois par des familles entières qui profitent du chaos – j’arrive devant la jeune femme en uniforme chic. Apparemment, il faut lui donner le ticket, afin qu’elle le contrôle et l’accroche à la valise.

Ouf ! On accède enfin aux guichets d’enregistrement… tous vides. Personne aux pupitres, là où,  d’habitude on présente ses passeports et cartes d’embarquement. Seulement un écran. « Présentez votre carte d’embarquement ». Horreur. Je n’ai pas pu l’imprimer. Heureusement, j’ai téléchargé le pdf dans mon smartphone. Je saisis le pistolet-scanner, du genre de ceux qu’utilisent les caissières de supermarché, et tente de scanner mon code barre. Ça ne passe pas. On se tourne pour chercher une âme secourable. Personne. Mon ami retente de scanner le QR code. Ouf ! Ça fonctionne. Je pose ma valise sur le tapis, elle pèse 23,2 kg. Refusée. Avec un humain en face, ç’aurait pu passer. Mais là, je dois rouvrir ma valise.

En agissant ainsi, je fais bugguer le système, qui se met en panne. Nouvelle vague d’adrénaline. Je dois changer de tapis, re-scanner mon QR code, retirer un pull de mon sac et refaire la pesée. 22,92. Nouveau soulagement. À notre droite, un Français, visiblement excédé, hurle des jurons. Il faudra qu’il commence à frapper sur l’écran pour qu’une hôtesse se déplace. Quant à ma valise, elle part, tout seule, sur le tapis roulant automatique.

À part mon passeport, le talon de l’autocollant vert, je n’ai aucun papiers en main pour passer les contrôles… et, dans un pays comme la France, ça ne me rassure pas.
Bikini !
Où doit-on aller maintenant ? Aucune idée. L’hôtesse, qui en a fini avec le râleur, passe devant nous sans un regard. Mon ami l’interpelle et lui pose une question. Elle montre, d’un doigt, l’écran du guichet d’enregistrement. Il indique, en caractères peu visibles, « Boarding M24 ». Mais où je trouve la M24 ? L’hôtesse est déjà loin. Nous marchons, le nez en l’air, jusqu’à un autre espace : celui du contrôle aux frontières. En toute logique, je vais devoir passer par ici. Je me mets donc à la queue.

J’ai dû abandonner mon ami ici. On se dit au revoir, encore abasourdis par l’absurdité de ce système et je serpente, seule, dans la queue. « Pour des raisons de sécurité, les contrôles d’identité ont été rallongés » répète une voix, en français et anglais, dans un haut-parleur. Il n’y a pas à dire : cet aéroport m’angoisse. Après vingt minutes d’attente, je présente mon passeport à un douanier, et mon smartphone. Il le regarde, étonné : « boarding pass », je dis. Il regarde l’écran et me rend mon téléphone. « Next time, paper » exige-t-il. La France se la joue moderne avec ses e-pass et ses bornes automatiques, mais au final, dans ce pays, il faudra toujours un bon vieux papier.

Le douanier pianote sur son ordinateur et me demande « soltera ? » avec un sourire. Je réponds « Si ». « Es el verano, en Chile » il réplique, rigolard, avant de conclure par un mot : « Bikini ! ». Enfin, il me rend mon passeport. Après tout ce stress, ce périple et, surtout, cette dernière réflexion humiliante, j’ai pensé « ciao la France, je ne te dis pas à bientôt ! ».

  • Traduit de l’espagnol par Jacques Tibéri.

Source contrepoints.org

Photo By: Laurent Neyssensas – CC BY 2.0

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